juillet-août 2004

page 1

Il ne s’agit pas de faire la guen maï, mais de devenir la guen maï …
par Joshin Sensei.

« La salade, je la trie ou je la lave?» « Tu la tries en la lavant! »

« Les plats se font tout seuls, quand on les fait tous ensemble…»

« Quand on pense, disent d’ordinaire les cuisiniers, à tout le temps passé à préparer, et puis ça disparaît en un clin d’œil!» …Impermanence, se réjouit le tenzo.

« Je voudrais être fort et dur comme la pomme de terre;
je voudrais avoir la gentillesse du riz quand je le lave;
je voudrais être blanc et pur à l’intérieur comme le poireau;
je voudrais être rigolo comme le navet;
je voudrais être comme le grain de sucre et me dissoudre dans le thé chaud pour que vous m’avaliez tous.
Mais est-ce que je suis autre chose que tout ça quand je travaille dans la cuisine ?
»

BOL: vous voulez apporter quelque chose à La Demeure? Nous avons besoin de nouveaux tabliers de tenzo – tablier de jardinage bleu,en toile. Nous aimerions un cuit-vapeur électrique SEB – tél. à Sensei avant.
Et des livres: "Eloge du simple" de R. Panikkar, éd. Albin Michel et "Soyez Zen" de Joko Beck chez Pocket, devenu épuisé et non réédité. Plusieurs exemplaires, OK. Merci

« Il ne s’agit pas de faire la guen maï, mais de devenir la guen maï …»

En fait « guen maï» est un terme impropre ; mais bon, c’était l’habitude en France quand je suis rentrée, et aller contre les habitudes, c’est parfois beaucoup d’énergie dépensée en vain…Alors va pour guen mai! Guen mai veut dire riz complet; et ce que nous faisons à partir de ce riz complet s’appelle : OKAYOU.
Guen mai donc, mais il y en a comme on le sait de plusieurs sortes.
Les disciples de maître Deshimaru ont pris l’habitude d’y introduire des légumes coupés en tous petits morceaux: pourquoi pas?
Celle de Zuygakuin, le temple de Moriyama Roshi au Japon, est la soupe de riz traditionnelle comme elle est, ou plutôt était faite, dans tous les temples Zen: du riz complet et de l’eau. «Etait» parce que maintenant, pour des raisons culturelles, malheureusement anti-diététiques, la plupart des temples utilisent le riz blanc. ( «Hémorroïdes»’ se dit en japonais : maladie des temples… Riz blanc trois fois par jour…)
Mais manger du riz complet est une épreuve pour les Japonais: un peu comme en France, il y a 5O ans, on ne mangeait que du pain blanc, le pain complet, brun, étant méprisé, pain de campagne, pain de pauvres.
Et puis la symbolique du riz blanc est très riche au Japon, elle évoque notamment le «vrai» Japon: dans les trains les plateaux que l’on achète sont en grande partie composé de riz bien blanc sur lequel est posée, au centre, une petite prune rouge amère: représentation exacte du drapeau japonais. Le blanc est la pureté – du cœur, certes, mais dans le Japon d’avant-guerre, pureté surtout du sang japonais- et le rouge pour le soleil levant…Le tout renvoyant au shintoÏsme, à l’empereur descendant des dieux, au caractère unique du peuple japonais…Même si les Japonais d’aujourd’hui ne font pas cette analyse lorsqu’ils déjeunent dans le train, chacun sait que le riz doit être le plus blanc possible! (1)
Et Moriyama Roshi de dire d’un ton bonhomme lors du premier repas d’un arrivant japonais: «Ah, oui, ici on ne mange que du riz complet…» et le malheureux de s’efforcer de sourire tout en jetant des regards désespérés à son bol de riz affreusement brun!
Cela change un peu toutefois: ainsi, depuis un an, le Nissodo, monastère de nonnes où va Jokei Ni, sert de la soupe de riz complet le matin. Evidemment, il y a là un autre problème puisque le riz complet qui n’est pas cultivé de façon organique rassemble tous les pesticides et produits chimiques dans son enveloppe, qui va être mangée… Il n’y a pas au Japon de garantie de culture bio, et les Japonais ne semblent pas y prêter attention.
A la Demeure, après quelques essais, on a choisi moitié riz complet, moitié riz demi-complet, car le riz complet seul est assez difficile à digérer quand on n’en a pas l’habitude. Puis pour équilibrer, et rendre la soupe plus «calante», on ajoute aussi des flocons de céréales. Enfin, dernière innovation, l’hiver, avant de travailler dehors, un peu d’huile est mélangée dans la soupe au dernier moment! N’oublions pas que Moriyama Roshi répète toujours: «Create! Go ahead, create! « ( Vas-y, innove!»)
La guen mai donc est le gros morceau de la cuisine; sa maîtrise prend un certain temps, et n’est jamais assurée, suivant la quantité de riz, et d’autres éléments impondérables, il faudra plus ou moins de temps, plus ou moins d’eau pour la réussir…
« Il ne s’agit pas de faire la guen maï, mais de devenir la guen maï …»

Au départ: en bas le riz et au-dessus l’eau. Alchimie de la cuisson, alchimie de la pratique: riz et eau se mélangent et deviennent un…Comme le grand océan qui reçoit tous les fleuves et toutes les rivières…(Tenzo Kyokun de M°Dogen)
Lorsque les grains de riz se sont ouverts, la moelle est atteinte.

La guen maï est incolore, ni blanche ni brune; la guen mai n’a pas de goût: on s’en plaint parfois. «Pourquoi ne pas saler l’eau de cuisson? Pourquoi ne pas rajouter ceci ou cela..?» La guen maï devient le reflet de nos attentes et de nos désirs. Nous aimerions la personnaliser, la transformer. Comme il est difficile de manger avec reconnaissance!
Laver le riz jusqu’à ce que l’eau soit transparente, mesurer l’eau, rester attentif pendant la cuisson à ce qui se passe sur le dessus, ce qui se passe dans le fond,
reconnaître le moment juste : disponibilité totale. Le temps ne se mesure plus à notre rythme, il n’y a pas attente mais transformation. «Ecouter avec les yeux et voir avec les oreilles», sinon comment réaliser?
Quand il n’y a plus ni eau ni riz, rien ne manque.
Joshin Sensei.

(1) Les historiens ont noté que lors des grandes famines du 19ème siècle, les paysans moyennement pauvres, qui mangeaient du riz non poli, mélangé à d’autres grains comme le millet, s’en sortaient alors que ceux qui étaient juste au-dessus dans l’échelle sociale, juste assez riche pour avoir acquis l’accès au riz blanc, souffraient de scorbut et autres manques de vitamines, et mouraient beaucoup plus.
Vous trouverez le programme printemps-été de la Demeure ( ouverture, retraites) sur le site www.larbredeleveil.org. Ou vous le recevrez en écrivant à la Demeure.

VOUS POUVEZ APPORTER en toutes saisons :

Bougies en cire d'abeille — Thés, petits gâteaux et chocolat (!) — Fruits secs — Pâte de cacahuète, sésame, amandes, etc. — shitaake (champignons japonais) — riz complet (bio de préférence) — cire pour les meubles, encre pour imprimante Canon BC-02 pour BJ-200 series, microcassettes, gants de jardin, plateaux… ou autres ! Merci.


Edité par l'association Daïshin régie par la loi du premier juillet 1901 de la République Française

ISNN : 1291-2972